• Chapitre 16 (Barbapapa)

    Alexandre souffrait et se sentait coupable, par son mensonge, d’avoir poussé Max dans les bras de ce jeune homme qui ressemblait à Angelo.

    Il aperçu au mur de sa chambre la photo « des jours heureux », comme il aimait l’appeler.

    Cette photo qu’il avait toujours gardée dans son portefeuille et qu’il avait fait refaire, agrandir et encadrer et qui trônait au mur de sa chambre.

    Elle avait été prise lors de l’anniversaire des 30 ans d’Eve.

    La bande des quatre y était au complet ; Claire et Eve, Angelo et lui.

    Instinctivement, il se dit que c’est comme ça que Max avait pu savoir à quoi ressemblait Angelo.

    Plus, il y pensait et plus, il se sentait mal à l’aise.

    Tout était de sa faute.

    Il avait menti à Max pendant 35 ans et son ami se sentait probablement trahi et humilié.

    Pourquoi n’avait-il jamais trouvé le courage de tout lui dire ?

    Le soleil commençait à vouloir se frayer un chemin au travers des volets.

    Alexandre fut terrorisé.

    Il n’avait pas dormi de la nuit et il allait devoir affronter le regard de Max.

    Il fallait qu’ils en parlent, c’était à lui de rattraper le coup.

    Comment allait-il faire ?


    Max regardait Dimitri dormir auprès de lui, il était merveilleusement beau.

    Le soleil qui commençait à se lever lui léchait tendrement la peau et le recouvrait d’or.

    Il se sentait bien.

    Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas senti aussi bien.

    Il se sentait comme libéré, soulagé d’un poids énorme, d’une entrave qu’il avait porté pendant tout ce temps sans même s’en rendre compte.

    Il dégagea son bras, coincé sous le cou de Dimitri, le plus délicatement possible pour ne pas le réveiller.

    Il se leva et regarda une fois encore cet ange qui dormait dans son lit et qu’il avait serré dans ses bras.

    Max souriait et irradiait de bonheur.

    En se savonnant sous la douche, il retrouva sa peau qui n’était plus lisse comme il y a 50 ans.

    Son visage se transforma et son sourire radieux s’envola.

    Il venait de retomber sur terre et Alexandre lui revint en mémoire.

    Il allait falloir gérer la situation.

    Il se souvint d’avoir vu qu’Alexandre les avait aperçus lui et Dimitri, alors qu’ils étaient dans la piscine.

    « Et puis après tout, c’est de sa faute ! »

    Max finit de se préparer et décida pour crever l’abcès de préparer le petit déjeuner dans la cuisine commune qui donnait sur le jardin, comme ça il profiterait de la douceur matinale pour s’installer sur la table de la terrasse.

    Alexandre entendit du bruit et jeta un coup d’œil à sa fenêtre.

    Max était en train de préparer la table du petit déjeuner sur la terrasse et avait placé 3 sets de table.

    Alexandre comprit que Max allait l’attendre, en cette zone commune, cette zone neutre et que l’heure des explications était arrivée.

    Il n’avait plus le choix, tout allait se jouer ce matin.

    Il se dirigea vers la salle de bain et après avoir constaté les ravages du temps sur son visage et son corps dans le miroir, il entra sous la douche.

    Après s’être habillé, Alexandre se dirigea vers la porte qui séparait ses quartiers de la zone commune.

    Il avait la poignée de porte dans la main, mais il restait figé, comme paralysé, incapable d’appuyer.

    Cette frontière qui le séparait de ses responsabilités lui semblait comme insurmontable.

    Max avait préparé un vrai festin.

    Il regarda la table chargée et souri, satisfait du résultat.

    Il entraperçu l’ombre d’Alexandre derrière la porte de ses appartements.

    Il se dirigea alors vers la porte.

    Il tendit la main et saisit un manteau à la patère.

    « Je n’ai plus qu’à aller chercher des croissants et tout sera parfait ! »

    Max avait parlé distinctement, comme si son habitude d’aider Alexandre ne pouvait le quitter.

    Il claqua la porte et se mit en route vers la boulangerie.

    Alexandre se sentit pris au piège.

    Il connaissait trop bien Max pour ne pas avoir compris son stratagème.

    Il devait trouver en lui les forces pour franchir cette porte qui le séparait de son destin.

    Il prit son courage à deux mains et ouvrit la porte.

    Il lui fallait maintenant redoubler d’effort pour faire un pas en avant, le pas qui le propulserait dans la réalité de ses actes, de ses choix, de ses responsabilités.

    Il savait qu’il n’avait pas le choix, qu’il devait en passer par là, mais il n’arrivait pas à trouver les forces pour faire ce premier pas.

    D’un coup, il franchit la ligne et se dirigea rapidement vers la table de la terrasse pour y prendre place.

    On aurait dit un marcheur de fond partant au coup de sifflet ou plutôt au signal donné par le bruit de la clé dans la serrure, qui annonçait le retour de Max de la boulangerie.

    Max avança sur la terrasse et vida le sac de croissants dans le panier qu’il avait placé sur la table.

    « Tiens ! Alex ! Déjà debout ? Bien dormi ? »

    Alexandre fut surpris par ce ton anodin.

    • « Heu ! »
    • « Je vois ! Pas bien réveillé ! Tu veux du café ? »


    Alexandre était complètement déstabilisé et ne savait quoi répondre.

    Max prit les devant, lui tendit une tasse de café et après s’en être servi une, s’assit en face d’Alexandre et tout en le regardant dans les yeux, croqua dans un croissant, dont il savoura le goût qu’il trouvait particulièrement délicieux aujourd’hui.

    • « Max ! Il faut que l’on parle ! »
    • « Oui ! Je sais ! Mais petit déjeunons d’abord ! »

    Alexandre n’avait pas faim, il se sentait mal, il avait la nausée.

    • « Je suis désolé, Max ! »
    • « Après le petit déjeuner, Alex ! »
    • « Ecoutes … »

    Alexandre ne put finir sa phrase.

    • « Non, c’est toi qui écoute ! Je ne reviendrais pas sur ton mensonge qui est pour moi, pire qu’une trahison. Je veux juste que l’on s’organise pour vendre la société ! »
    • « Oui, bien sûr, c’est que l’on avait prévu ! »
    • « ON ! Ca fait plus d’un an que je te dis que je suis fatigué et que je veux m’arrêter et c’est hier que tu m’annonce que tu es enfin prêt à vendre ! Tu exagère un peu, tu ne trouves pas ? »
    • « Oui, tu as raison, je suis désolé ! »
    • « Et arrêtes d’être désolé ! Tu as fait tes choix dans ta vie, assumes-les ! »
    • « Comment pouvais-je deviner que tu étais amoureux de moi ? Je te connais bien, tu n’es pas gay ! »
    • « Tu ne me connais pas Alexandre, parce que tu ne t’es toujours intéressé qu’à toi ! »
    • « Mais tu n’es pas gay ? »
    • « Non ! Je suis juste tombé amoureux de toi, le jour de l’inauguration ! Je n’ai pas tout de suite compris ce qui m’arrivait. C’est quelques années plus tard, lorsque l’on s’est retrouvé que j’ai compris que ce qui me paraissait inimaginable était une réalité. »
    • « Pourquoi tu ne m’as rien dit ? »
    • « Je te retourne la question ? »

    Alexandre se sentit comme poignardé en plein ventre.

    Sa culpabilité venait encore de gagner une bataille et lui assenait un coup violent.

    • « Pourquoi CE mec ? Tu voulais te venger alors tu en as choisi un qui ressemble à Angelo ! »
    • « D’abord, il s’appelle Dimitri et ensuite, il ne ressembla pas à Angelo ! Il TE ressemble ! Lorsque je l’ai vu, je t’ai retrouvé le jour de l’inauguration ! »

    Une nouvelle fois Alexandre pris la réponse de Max en pleine face et une nouvelle fois il fut secoué par un séisme intérieur dévastateur.

    • « Et tu compte en faire quoi ? J’espère que tu es conscient que s’il est dans ton lit, c’est à cause de ton portefeuille ? »
    • « Peut être ou peut être pas ! Mais quelles que soient ses motivations, Dimitri me rend heureux ! Cela durera ou pas ! Mais de toute façon, ça ne te concerne pas ! Tu as raté ta chance, mon vieux, c’est trop tard ! »

    Une fois de plus, Max retournait le couteau dans la plaie et un éclair de douleur traversa Alexandre de part en part, et le clouait dans une immobilité contre laquelle il avait du mal à lutter.

    « Et si tu veux tout savoir, je me demande si je ne vais pas déménager ! »

    Max venait de porter un coup fatal, Alexandre en eut le souffle coupé.

    Une douleur atroce lui vrillait les tripes et commençait à se diffuser dans tout son corps.

    Il s’affaissa dans le fond de la chaise.

    Il sentait ses forces l’abandonner.

    « Alex ! Alex ! Ne fais pas le con ! Reste là ! »

    Max dégaina son téléphone et composa le numéro des urgences.

    Dimitri fit son apparition sur la terrasse au moment où Max raccrochait alors qu’on venait de lui confirmer qu’une ambulance arrivait dans quelques minutes.

    • « Il s’est effondré ! »
    • « Pousses-toi ! Laisses-moi faire, je suis secouriste ! »

    Max regardait la scène, impuissant.

    Dimitri semblait savoir ce qu’il faisait.

    Une sirène raisonna et son vacarme se rapprochait très vite.

    « Vas leur ouvrir ! Vite ! »