• Chapitre 14 (Barbapapa)

    Max voulait pendant un instant oublier tout ça, comme pour se ressourcer, y voir plus clair.

    Il chercha à se replonger dans ses souvenirs d’enfance, mais dès que lui revinrent à l’esprit ces innombrables foyers et familles d’accueil dans lesquels on l’avait placé et balloté au gré des humeurs des fonctionnaires soi-disant protecteurs de l’enfance, les questions qu’il se posait plus jeune et que l’âge avait fini par enterrer remontèrent à la surface.

    Qui était-il ? D’où venait-il ?

    Il ne le saurait jamais, ses parents, si tant est qu’il eut pu les retrouver il y a quelques années, étaient probablement morts, si ce n’est de vieillesse peut être même avaient-ils péris dans le cratère.

    Comme pour se vider la tête, il se laissa glisser dans l’eau, jusqu’à ce que son visage soit totalement submergé et il poussa un hurlement vaguement étouffé par l’eau.

    Lorsqu’il ressortit la tête, quelques poignées de secondes plus tard, il constata avec effroi qu’il n’était pas seul dans la salle de bain.

    Le gérant alerté par le hurlement avait fait irruption dans la chambre en utilisant son passe partout et il se trouvait maintenant dans la salle de bain, face à Max.

    Le visage de Max s’empourpra.

    « Ca va Monsieur ? »

    Max était comme tétanisé, mais il réussi à faire oui de la tête et d’un geste de la main signifia son congé à l’intrus qui s’empressa de regagner son comptoir miteux.

    Il resta plongé dans l’eau, laissant sa peau se flétrir plus qu’elle ne l’était d’ordinaire, même si la nature lui avait conféré un corps qui ne faisait pas son âge.

    C’est lorsqu’il fut saisi par une sensation de froid qu’il se décida enfin à sortir et à enfiler le peignoir élimé qui trainait accroché de guingois à la patère branlante.

    Max frissonnait, il s’essuya et fila dans la chambre pour enfiler ses vêtements.

    Il aperçu son téléphone portable qui brillait comme un phare par une nuit claire pour lui signifier qu’il avait des messages.

    Il attrapa son téléphone avec une envie de l’envoyer valser sur le mur.

    C’est à ce moment là qu’il vit l’heure.

    Il s’était endormi dans la baignoire et l’après-midi avait filé depuis longtemps.

    Il était minuit.

    Et comme si cela ne suffisait pas, son corps lui réclamait ripaille par de grands gargouillis sonores et tonitruants.

    Il s’habilla, enfila son manteau et sortit de la chambre.

    La nuit était noire comme de l’encre de chine, quelqu’un par une ruse perfide avait du voler la lune.

    Il pensa à Alexandre.

    Il a du s’inquiéter, le pauvre !

    Et puis crotte, c’est bien fait pour lui.

    Il se décida à sortir son téléphone de la poche dans laquelle il l’avait plongé.

    Après avoir tapé le code pour le débloquer, il constata qu’il y avait 35 messages, tous d’Alexandre.

    Est-ce un signe ?

    Un message par année de mensonge ?

    Il regardait son téléphone, hésitant entre appeler son répondeur pour en prendre connaissance ou tous les effacer.

    Il remit la décision à plus tard et tout en enfouissant son téléphone dans la poche de son manteau, il se dirigea vers l’accueil de l’hôtel, c’est alors qu’il réalisa que le motel du premier jour de « l’après » était devenu hôtel.

    Il regarda alentour et constata que c’était le seul changement, ce qui lui parut bien présomptueux vu le distingué de l’établissement.

    Le gérant était derrière son comptoir.

    « Pouvez-vous m’appeler un taxi, s’il vous plait ! ».

    Max déposa la clef de la chambre sur le comptoir, sortit du hall sombre et alla s’asseoir sur le rebord de la fenêtre.

    Quelques minutes plus tard, une voiture s’arrêtait devant lui.

    « C’est pour vous le taxi ? »

    Il monta dans le véhicule.

    « Conduisez-moi jusqu’à un restaurant correct, s’il vous plait ! »

    Le chauffeur démarra et roula en direction du nouveau centre ville.

    Quelques minutes suffirent pour rejoindre un quartier animé et éclairé à tel point qu’on se serait cru en pleine journée.

    « Vous pouvez m’attendre ! Je vous réserve pour la soirée ! ».

    Max sortit une liasse de grosses coupures de sa poche intérieure.

    « Pas de souci, Monsieur ! »

    Max retira quelques billets qu’il donna au chauffeur.

    « Le reste à la fin de votre service ! »

    Vu que les quelques billets qu’il avait reçu représentaient déjà plus que ce qu’il aurait fait jusqu’à la fin de sa nuit, le chauffeur sourit et descendit pour ouvrir la portière à Max.

    « Bon appétit, Monsieur ! »

    Max remercia le chauffeur par un signe de tête accompagné d’un sourire et entra dans le restaurant qui contrairement à ce qu’il aurait pensé était bondé.

    Il attendit quelques instants puis un serveur vint lui proposer une table.

    Max eut un choc.

    Le serveur lui rappelait Alexandre à l’époque où ils avaient travaillé ensemble pour la première fois sur le chantier du centre commercial.

    Il se revit le jour de l’inauguration, découvrant un Alexandre nouveau, beau comme un dieu et ressentit ce coup au cœur, le même qui l’avait frappé ce jour là, ce jour maudit où il était tombé amoureux.

    Le garçon était charmant, sa voix douce émoustillait les oreilles de Max qui se sentit retrouver ses 30 ans.

    Max plaisantait gentiment avec le serveur, faisant des allusions grivoises.

    Il en oubliait tout le reste.

    Le repas était délicieux et le serveur passait régulièrement le voir, comme si sa survie dépendait des petites plaisanteries et des mots doux de Max.

    Le téléphone de Max sonna.

    Il décrocha machinalement.

    -    « Max ? »
    -    « Ben oui ! Qui veux-tu que ce soit ? »
    -    « Enfin ! Tu es où ? Je m’inquiète ! Je t’ai laissé des tonnes de messages ! »
    -    « Je passe une merveilleuse soirée ! Alors ne me gâche pas ça aussi ! »

    Max raccrocha et chercha du regard son petit serveur.

    La vue du jeune homme, le replongea dans l’allégresse et l’insouciance.

    Il se sentait l’âme d’un adolescent et cela lui faisait un bien fou.

    Il était presque deux heures du matin lorsqu’il termina son dessert.

    -    « Un café, Monsieur ? »
    -    « Ca dépend ! Tu compte me tenir éveillé encore longtemps ? »
    -    « Je vous l’apporte tout de suite, Monsieur ! »

    Max se délectait de ces échanges et se rendit compte qu’il ne s’était pas senti aussi bien depuis très longtemps, trop longtemps.

    Le garçon apporta l’addition à Max.

    Lorsqu’il souleva le ticket pour découvrir le montant de la note, il put constater qu’il y avait un petit mot écrit juste en dessous.

    « Je finis mon service dans 30 minutes »

    Lorsque le serveur vint encaisser, Max lui sourit.

    -    « Je t’attendrai dans le taxi garé juste devant ! »
    -    « L’entrée du personnel est de l’autre côté du bâtiment ! »

    Max jubila lorsque Dimitri lui fit un clin d’œil pour ponctuer sa phrase.

    Il lui avait fallut demander à plusieurs reprises son prénom au serveur pour qu’il consente à le lui donner.

    Max avait usé d’un charme inouï dormant depuis des décennies au plus profond de lui.

    Il se sentait revivre.

    Après avoir payé sa note non sans laisser un gros pourboire, il sortit du restaurant et monta dans le taxi qui l’attendait.

    « Allez vous garer face de l’entrée du personnel de l’autre côté du bâtiment s’il vous plait, nous allons attendre quelqu’un ! »

    Max sortit de sa poche quelques grosses coupures et les tendit au chauffeur qui s’exécuta.

    Dimitri frappa ouvrit la porte et s’assis près de Max.

    -    « Où as-tu envie d’aller Dimitri ? »
    -    « Chez moi ? »
    -    « Pas tout de suite ! Amusons-nous un peu d’abord ! »

    Max s’adressa au chauffeur et lui demanda de les conduire jusqu’à un piano bar.

    La voiture commençait à rouler, lorsque Dimitri n’en pouvant plus posa ses lèvres sur celle de Max, premier pas d’un merveilleux baiser long et sensuel qui allait unir les deux hommes pendant tout le trajet.

    Après quelques cocktails doux et sucrés, après quelques caresses discrètes et quelques baisers dignes de deux adolescents pré-pubères, les deux amants remontèrent dans le taxi qui les attendait.

    « On va chez moi ! »

    Max venait de donner son adresse au chauffeur qui prit la direction de la maison où Alexandre faisait les cent pas dans la partie commune, face à la porte fermée qui donnait accès aux appartements de Max.

    Arrivés à destination, Max paya le chauffeur comme convenu et s’engouffra chez lui avec Dimitri.

    « Viens, je veux te montrer quelque chose ! »

    Max prit la main de Dimitri et l’emmena jusqu’à la piscine intérieure.

    Tout en partageant baisers et caresses, les deux amants se déshabillèrent mutuellement, puis se jetèrent à l’eau.

    Entendant du bruit Alexandre se dirigea vers la piscine.

    Lorsqu’il découvrit Max et ce jeune garçon enlacés, il fit demi-tour et regagna sa chambre.

    Il s’effondra en pleurs sur son lit.

    Il venait de recevoir comme un pieu en pleine poitrine, une douleur insupportable s’était abattue sur lui.

    Comment était-ce possible ? Pourquoi est-il jaloux ?

    Aurait-il pu pendant toutes ses années ne pas se rendre compte qu’il aimait Max autrement que comme son meilleur ami ?