• Chapitre 13 (Stephan)

    A vrai dire, se retrouver dans une chambre d’hôtel, et surtout dans celle là, en particulier, en pareille circonstance, ce n’était pas génial.

    Mais il lui avait semblé que c’était comme une question de survie.

    Sur le chemin, il avait eu, à de multiples occasions, le sentiment d’avoir la respiration coupée. Un peu comme si des bouffées d’angoisse lui bloquaient le larynx et que des pleures lui noyaient les yeux.

    Comme endroit de replis, après ce qui leurs était arrivé, cette chambre là, et surtout  après ce qu’Alexandre venait de lui apprendre, c’était comme revivre le pire, après l’anéantissement et peut être une chance de tout remettre à plat.

    Malgré tout et assez bizarrement, sa respiration était redevenue normale, quand il était pénétré dans la chambre, le calme relatif qui régnait entre ces 4 murs et le fait d’être plongé dans l’eau encore fumante était apaisant.

    Quelques minutes plus tôt alors que l’eau coulait encore dans la baignoire; il ôta sa cravate, déboutonna sa chemise et se laissa tomber sur le lit.

    « Merde le salaud ! Après tout ce qu’on a vécu ensemble, depuis toutes ces années, me cacher ça, à moi ! »

    Il vivait dans sa chaire, la pire des trahisons qu’il lui ait été donné de connaitre.

    Son ami, celui qu’il avait aidé à remonter la pente, qu’il avait a de multiples occasions, pris dans ses bras, pour lui faire passer ces gros coups de cafards, ne lui avait pas dit que son amour, celui qu’il avait pleuré si souvent et si longtemps, était un homme.

    Et pourtant des choses ensemble, ils en avaient partagé.

    Les démarches auprès des autorités, les recherches infructueuses, d’amis survivants. Les entretiens d’embauche pour retrouver un travail, parce qu’il fallait bien continuer à vivre, malgré tout.

    Toutes ces années dans la promiscuité. Il s’était tant de fois effacé pour cacher ses sentiments, par peur qu’Alexandre ait pu croire qu’il s’abandonnait à un sentiment de pitié, qui l’aurait conduit à cette chose inconcevable, que celle d’un amour entre deux hommes qui au fond, ne s’étaient rapprochés, que par des circonstances dramatiques de vie.

    Ils avaient presque tout partagé. Ces choses qui font que l’intimité de deux amis devient indulgence, tendresse et respect mutuel.

    Ces instants ou un regard est une bouée de sauvetage parce que l’on se met en devoir de sauver une fois encore, celui qui se noie.

    Parce qu’on se dit qu’on l’aime avant tout comme un frère, un fils trop fragile, qui pourrait sombrer dans ses cauchemars, qui trop souvent l’assaillent, et qu’au fond, on sait aimer plus qu’on le dit et davantage encore qu’on serait près à  l’avouer.

    Cette félonie, cette ironie de la vie qui conduit celui qu’on voulait capable de plus de loyauté  que son propre frère, ce coup de poignard dans le dos de celui qui, tout en étant à vos coté, vient de vous signifier qu’il y avait un mur entre lui et vous, que vous n’aviez jamais vu.

    Max se rendait compte qu’Alexandre ne lui avait jamais donné de chance d’être plus qu’un simple ami, malgré tout ce qui s’était passé entre eux.

    Sans le savoir Alexandre venait de lui dire qu’il ne l’avait vu que comme …

    Mais comme quoi au fond ?

    Max venait de prendre  une claque effroyable dans la gueule, après toutes ces années, comment se pouvait-il qu’Alexandre n’ait rien vu ? Qu’il n’ait rien ressenti ? 

    Se pouvait-il qu’Alexandre n’ait pas remarqué quelque chose ?

    Lui qui avait ressenti déjà ce frisson étrange qu’on ressent quand l’autre, qu’il soit ami, ou simple passant, occupe soudainement toutes vos pensées au point qu’on puisse en avoir le sentiment de mourir ?

    N’avait il jamais été interpellé par ces spasmes qui faisaient, qu’il arrivait à Max d’être interdit et soudainement d’arrêter de penser, de respirer et de vivre quand il imaginait et vivait au fond de son corps, la peur de  perdre Alexandre ? 

    Max était anéanti et il n’arrivait pas même à pleurer.

    Le bruit de l’eau qui continuait à couler dans la baignoire, remplissait le silence de la chambre et résonnait dans la salle de bains.

    Max savait qu’il allait lui falloir se lever s’il voulait que la baignoire ne déborde pas.

    Mais il ne parvenait pas à bouger.

    Il était détruit. Et pourtant il savait qu’il allait devoir affronter la réalité, Alexandre et son secret. Mais qu’allait-il faire de son secret à lui ?

    Son téléphone portable sonna, mais il n’avait pas véritablement envie de voir de qui était l’appel.

    Il l’imaginait très bien et il savait que sans doute a cet instant, s’il répondait, il dirait ces mots qu’il ne voulait surtout pas mettre sur ce qu’il ressentait là, maintenant.

    Et puis d’un coup tout se mit en place dans sa tête. Alexandre n’avait rien compris, Alexandre était passé à coté, après 35 ans il semblait difficile de repartir à zéro, surtout quand l’un des deux devait surmonter un mensonge qui ressemblait à une trahison, alors il fallait partir, se séparer.

    Peut-être pour un temps, peut-être pour toujours, mais partir parce que ce drame qui les avait réunis, était peut être un signe fort d’une nécessité impérieuse de tout changer, de tout mettre à plat de tout déconstruire.