• Chapitre 8 (Stephan)

    Comment se pouvait-il que les circonstances soient aussi cruelles alors qu’ils s'étaient fait l’un et l’autre, une joie de se retrouver en ce jour et que face à eux, un trou béant et fumant, ait absorbé le sens même de leurs vies respectives, leurs amours et amis ?

    A cet instant précis, ils ne se souciaient pas du nombre de morts et encore moins des circonstances ayant conduit à ce vide, au sens propre comme au sens figuré qui allait anéantir leurs existences.

    Ils mesuraient l’un et l’autre, la peine qui n’allait pas manquer d’affecter leur vie pour des années sans doute et sans encore le savoir, ils allaient l’un et l’autre vivre quelque chose de fort qu’ils présentaient déjà, tant le fait de se retrouver l’un et l’autre ici et maintenant, et probablement seuls au monde allait par la suite avoir une signification différente.

    Toutes les personnes autour d’eux écoutaient la description parfois fantasmagorique des journalistes qui ne parvenaient plus même à maitriser leurs émotions.

    Code catastrophe de la LLOYD’S : 12A.

    Les financiers n’avaient pas perdus de temps à qualifier dans leur langage ce néant.

    12A mais pour combien de vies englouties dans ce trou que dire, dans ce gouffre sans fond, mais encore très bruyant.  

    On ne parlait encore que d’un séisme.

    Les premiers analystes affirmaient sans doute sans trop savoir.

    On évoquait la libération brusque d'énergie accumulée par les contraintes exercées sur les roches du sous sol.

    Il était question d’un foyer qui au lieu de se traduire par la création d’une faille, s’était manifesté au contraire par la formation d’un gouffre béant dont la forme était malgré tout assez proche d’un cratère.

    Mais personne n’était sur de rien !

    Max et Alexandre n’en n’avaient que faire. Ils s’étaient vus arrêter dans leur élan par cet abysse.

    La nature du phénomène était  comme le résultat d’une force maléfique dont la force inconcevable, avait arraché à la terre, une ville et tous ses habitants, comme Adam avait en croquant la pomme, libéré tous les pêchers du monde en devenir.

    Eux ne pouvaient apercevoir que des morceaux de terrains, encore en suspension.

    Des  chutes de blocs qui allaient s’empiler sur les amas constitués par des pants entiers d’immeubles écroulés, d’usines et de centres commerciaux, en train de s’enliser dans les coulées de boues entrainant les bus d’un entrepôt et les écoles fumantes.

    Ils n’avaient pas de peine à imaginer les cris qui devaient s’en échapper.

    Mais leurs oreilles étaient sourdes à tout ce fracas.

    Car ils étaient en attente d’une voix qu’ils espéraient tous deux, pouvoir entendre comme une sirène qui aurait dit : l’alerte est finie ! 

    Leurs yeux exorbités ne cherchaient au milieu de ce fatras, qu’un regard, que le signe d’une main, qu’ils commençaient l’un et l’autre à comprendre, être un rêve impossible.

    Un rêve non ! Un cauchemar voilà ce dont étaient l’un et l’autre les spectateurs.

    « Il faudrait essayer de descendre ! » Cria une femme.

    « Peut-être peut-on remonter des survivants. Regardez, On en voit encore qui bougent au milieu des gravas. »

    « Peut-être pourrions nous même aller chercher des hélicoptères et sauver des enfants, nous ne pouvons pas rester là sans rien faire… »

    On reste parfois sans voix quand on regarde des sauveteurs essayer de réanimer un conducteur de vélomoteur déchiqueté par la barrière de sécurité sur un boulevard circulaire.

    Mais là, ces cris déchiraient un silence qui voulait dire on ne pourra rien faire !

    « Tu vois dit Alexandre à Max en tournant sa petite cuillère dans son ramequin de mousse au chocolat, maintenant que je remange normalement depuis mon opération et qu’on m’a enlevé mon anneau gastrique, c’est un peu comme cela que je vois ma vie dès que je craque pour un dessert trop calorique… ».