• Il était une fois, dans une lointaine contrée, deux garçons que rien ne prédestinait à ce que la vie fasse se croiser leurs routes.

    Et pourtant, ...


  • Affamé de liberté, Alexandre se lança dans la grande aventure de la vie un beau jour de mai.


    Auprès de son arbre il n'avait pas trouvé l'amour, il alla donc chercher l'amitié sous d'autres auspices.


    C'est dans l'ambiance du travail qu'il trouva sa plénitude.

    Lorsque l'architecte lui donna l'accolade fraternelle, il se senti enfin accompli.


    Son attitude changea du tout au tout...


  • Il sentit alors qu'il avait enfin peut-être trouver un endroit où il serait enfin accepté.

    Les gens lui souriaient et se montraient amicaux, il se sentait déjà un peu moins seul.

    Mais, malgré tout, Alexandre avait le coeur lourd et il se sentait si seul.

    Même entouré de ses nouveaux amis et collègues, Alexandre se sentait envahi de brouillard comme si son esprit ne voyait la vie qu'en gris.

    Souvent dans son bureau, il se permettait de voyager en regardant de sa fenêtre tous ses immeubles et building.

    Il aurait voulu que le paysage soit plus vert et ensoleillé comme cette matinée où il se réveilla dans les bras de l'être aimé et qu'un rayon infime avait transpercé les rideaux et était arrivé jusqu'à lui.

    Comment ... 


  • Comment Max allait-il réussir ?

    Le froid était si intense qu’il ne sentait déjà plus le bout de ses doigts.

    Il n’avait pourtant pas le choix.

    Avec les délais à respecter, les montants exorbitants des pénalités de retard, le seul moyen de sauver son entreprise était de livrer dans les temps.

    Ce chantier était une providence, une poche d’air qui lui permettrait de remettre à flot sa trésorerie, alors, il devait absolument mettre les bouchées doubles pour finir dans les temps.

    Max aimait côtoyer ses ouvriers et mettre la main à la pâte, c’est ce qui lui valait l’estime de tous ses employés.

    Max n’était pas un patron comme les autres, il considérait ses équipes comme des égaux et c’est grâce à cet état d’esprit, qu’ils le lui rendaient bien et que même avec des finances au bord du gouffre, l’entreprise avait survécue jusqu’alors.

    Il ne manquait personne, toutes ses équipes étaient au grand complet sur le chantier, même ceux qui devaient normalement être de repos, travaillant comme jamais.

    Max regardait ses hommes et sentit monter en lui les stigmates de la fierté, l’émotion était à son comble, il leur devait tant.

    Il fallait réussir à livrer dans les délais, pour eux !

    Une larme scintillait juste sous son œil gauche, elle glissa péniblement sur sa joue pour se cristalliser quelques millimètres plus bas.

    Max fut extirpé de ses pensées par les cris de Ben.

    L’architecte venait une fois de plus d’arriver sur le chantier sans prévenir.

    Max avait beau trouver des circonstances atténuante à Alexandre, cela ne l’empêchait pas de le trouver insupportable.

    Certes, c’était son premier chantier et il devait faire ses preuves auprès de ses pairs pour y trouver sa place, mais ce n’était pas une raison pour arborer cet air hautain et aboyer sur un ton condescendant.

    D’aussi loin qu’il s’en souvenait, Max n’avait jamais eu ce genre d’attitude, même lorsqu’il démarra son activité.

    Alexandre devait avoir environ dix ans de moins que Max, il sortait tout juste d’une des meilleures écoles d’architecture dont il était sorti major de promo.

    Il avait largement démontré pendant tout le projet ses compétences techniques et ferait probablement une carrière hors du commun, mais question relations humaines, il avait encore d’énormes progrès à faire.

    Alexandre, comme toujours était tiré à quatre épingles malgré ses costumes de prêt à porter bon marché.

    Max ne lui laissa pas le temps d’en placer une.

    Il lui fit un bref exposé de la situation et lui confirma que le chantier serait terminé à temps, si toutefois, Alexandre les laissaient finir.

    Pour la première fois, Alexandre n’avait pas pipé mot, il était comme subjugué par Max.

    Pour la première fois, Alexandre arbora un sourire.

    Pour la première fois, Alexandre, une fois que Max eut terminé, lui dit simplement « Merci » avec un ton doux et reconnaissant.

    Pour la première fois, Alexandre et Max se souriaient et se regardaient fixement, comme s’ils se découvraient.

    Ce fut la dernière fois qu’Alexandre se présenta sur le chantier.


  • Lorsque Max arriva sur ce qui avait été son chantier pendant près de deux ans, il y avait déjà énormément de monde.

    L’inauguration de ce centre commercial avait visiblement été organisée en très grandes pompes.

    Max peu friand de ce genre de pince fesse avait tout de même accepté de venir, car Alexandre avait insisté à de nombreuses reprises et avait fait montre de tant de gentillesse, que Max n’avait pu résister plus longtemps.

    Max se sentait perdu au milieu de cette foule.

    Le brouhaha était étourdissant entre la musique et les discussions des invités, il eut été impensable d’envisager de s’envoler dans ses pensées.

    Soudain, Max sentit une main se poser sur son épaule.

    Il se retourna et vit Alexandre, arborant un sourire radieux et lui tendant une coupe de champagne frappé.

    Alexandre avait changé.

    Il était magnifique dans son costume sur mesure.

    Son sourire rayonnait, il y avait comme une aura autour de lui.

    C’est à ce moment là que Max se rendit compte à quel point Alexandre était beau.

    C’était il y a un peu plus de six ans, que le temps passe vite.

     

    Le soleil enfilait difficilement ses rayons dans les persiennes.

    Alexandre se réveillait doucement.

    Il se sentait bien.

    Ce matin, était de ceux qu’il aimait le plus.

    Il était encagé dans les bras de l’amour de sa vie et y avait dormi paisiblement toute la nuit.

    Il sentait son souffle régulier et chaud dans le creux de son cou.

    Il était heureux.

    Jamais dans sa jeunesse, il n’aurait pensé pouvoir un jour gouter à un tel bonheur.

    Lui, le dernier d’une famille de sept enfants.

    Lui, qui avait vu ses parents se tuer à la tache chaque jour dans l’usine qui faisait vivre son petit village de province et qui le jour où elle ferma emporta dans l’oubli et la misère ce bourg perdu dans la campagne.

    Lui, qui avait enchainé les petits boulots à n’en presque pas dormir pour arriver à payer ses études.

    Lui, seul et unique  survivant de cette famille emportée par la maladie, le premier hiver qu’il passa à l’autre bout du pays pour faire ses études.

    Sa réussite, c’était sa vengeance, sur la vie, sur le sort.

    Et puis, était arrivé l’amour de sa vie, la cerise sur le gâteau.

    Il sentit son étau humain se desserrer.

    Encore quelques secondes et il pourrait se retourner doucement et poser ses lèvres sur les siennes.

    Une fois de plus, ils scelleraient cet amour qui les uni depuis …

    Alexandre fut pris de panique.

    Il venait de se rendre compte que c’était aujourd’hui même, le jour J.

    C’était leur cinquième anniversaire et il n’avait rien prévu.


  • Quelque part ailleurs, Max clignait des yeux.


    La lumière ; Cette lumière c'était Cézane, l'oliveraie, l'ouragan des senteurs d'origan, la Sainte Baume, la douceur de l'oubli, le fil de la vie sur lequel il marchait tel un funambule depuis tant d'années.


  • Il se rappelait de ses moments de brouillard dans sa vie.

    Il ne savait plus comment tout avait commencé ni quand. Il était tombé dans cette spirale de la dépression sans vraiment s'en rendre compte jusqu'à ce qu'il sombre définitivement.

    Tout était si confus dans son esprit. Les souvenirs qui lui revenaient été plus des cauchemars que la vie réelle mais il ne pouvait se réveiller.

    Il avait passé la plupart de son temps chez lui enfermé à cause de son agoraphobie qui l'empêchait de sortir.

    Au départ, il arrêta d'aller en boite de nuit puis ce fut les magasins et enfin juste le fait de mettre le nez dehors le tuait sur place.

    Sa peur était devenue une maladie, une petite mort: entre les palpitations et les tremblements, il sentait que son corps le lâcheait

    Il dut abandonner son métier par peur de rencontrer des gens, être commercial et névrosé ne fait vraiment pas bon ménage.

    Ses amis venaient lui rendre visite de temps en temps puis plus jamais à force de voir Max au plus bas de son spleen.

    Il avait perdu beaucoup de poids, avait arrêté de se raser et ne prenait même plus la peine de s'habiller.

    Il passait ses journées avec ce vieux peignoir gris-noir qui au fil des années ne ressemblait plus à rien. Les poches ne tenaient que par un fil, les manches étaient mangées au bout à cause des crises d'angoisses que Max avait quand il devait répondre à la porte lorsque celle-ci sonné.

    Comment s'en est-il sorti ? Cela aussi, c'est une drôle d'histoire.

    Comme il ne sortait plus, il avait pris l'habitude de passer toutes ses journées à surfer sur la toile et à discuter le plus souvent de ses angoisses avec des personnes comme lui.

    Il se sentait alors moins seul et pouvait partager cette peur qui l'avait envahi. Il n'avait pas besoin de mentir avec eux, il pouvait enfin être libre de ses propos, de ses envies, de ses fantasmes.

    Les jours, les mois, les heures, il ne savait plus ce que cela voulait dire.

    Il avait même arrêté de croire en Dieu. Cela lui était venu d'un coup. Pourquoi croire en quelqu'un qu'on n'a jamais vu.

    Il passa beaucoup de temps à lire toutes sortes de livres : aventure, science fiction, histoire, politique, tout ce qu'il pouvait bien trouver.

    Il avait beaucoup de temps, trop de temps.

    A force de lire, il décida d'écrire. Mais qu'est-ce qu'un angoissé de la vie peut-il bien écrire ?


  • Plusieurs dizaines de kilomètres les séparaient, cela faisait plus de six ans qu’ils ne s’étaient pas revus et aucun des deux ne se doutait que cette journée allait être celle qui changerait leur vie.

    Max était perturbé, chaque fois qu’il avait eu ses pensées rétrospectives sur les mauvais moments de sa vie qui revenaient à la surface, ça n’avait  jamais été de bon présage pour la journée.

    Alexandre avait les neurones qui se bousculaient, il lui fallait trouver au plus vite une idée pour que son oubli passe inaperçu.

    Malgré ce mauvais pressentiment, Max se prépara pour son rendez-vous. Il avait largement le temps, mais il se méfiait des embouteillages. Il devait traverser toute la contrée et ne serait probablement de retour en ville que tard dans l’après-midi. Il n’aimait pas prendre des chantiers loin de la ville, mais le client avait un gros potentiel et permettrait des perspectives prometteuses.

    Alexandre embrassa l’amour de sa vie et de subterfuge en subterfuge, après lui avoir souhaité un bon anniversaire, lui promis une soirée mémorable. Il devait aujourd’hui se rendre dans la ville voisine, car le cabinet d’architecture dont il était aujourd’hui associé, était en lisse pour un projet ambitieux et que tous les associés avaient mis entre ses mains à l’unanimité.

    Max monta dans sa voiture et pris des chemins de traverse pour rejoindre l’autoroute.

    Alexandre savait que son rendez-vous se finirait assez tôt pour lui permettre de consacrer sa fin d’après-midi non seulement à l’organisation de la surprise qu’il voulait parfaite, mais également à rechercher un cadeau d’exception.

    Max était ravi d’avoir pu éviter les sempiternels bouchons du matin et roulait sur l’asphalte lumineuse qui reflétait le soleil extraordinairement brillant.

     Alexandre décida de prendre la nationale et évita ainsi les bouchons.

    Max avait toujours cette sensation bizarre et ce mauvais pressentiment.

    Alexandre faisait semblant de ne pas s’inquiéter et se rassurais en se disant qu’il aurait le temps de s’occuper de tout pour que le diner en amoureux soit le parfait reflet de ses sentiments.

    Deux hommes, deux destins, deux routes, deux destinations et pourtant la vie allait faire en sorte que de nouveau leurs chemins se croisent.

    La radio diffusait les dernières notes d’une chanson populaire.

    « Et maintenant, le bulletin météo. Le soleil brillera partout dans la contrée. Fait exceptionnel pour la saison. »

    Une nouvelle chanson suivait cette information qui n’était pas un scoop pour Max et Alexandre, qui avaient dus mettre leurs lunettes de soleil.

    Lorsqu’une nouvelle chanson commença, Max fit la grimace, il n’aimait décidément pas cette chanson.

    Au même moment, Alexandre, chantonnait  sur les rythmes de sa chanson préférée.

    « Flash Spécial ! ».

    Les deux hommes concentrés sur leur conduite et pensant au déroulé de leur journée, continuaient à voir se dérouler les kilomètres.

    « C’est une catastrophe nationale ! ».

    L’un comme l’autre tendirent l’oreille.

    « Il s’agit du pire évènement n’ayant jamais frappé notre pays ! ».

    Max et Alexandre étaient attentifs.

    Qu’a-t-il bien pu se passer ?

    « Nous vous tiendrons informés dès que nous aurons de nouvelles informations ».

    Max et Alexandre s’en voulaient de ne pas avoir été attentifs plus tôt.

    Ils étaient impatients qu’un nouveau flash d’informations vienne leur permettre de savoir.

    Il ne se passa pas très longtemps avant qu’un jingle strident retentisse.

    « Flash spécial ! »

    Cette fois, les deux hommes écoutaient.

    « L’information nous a été confirmé par nos correspondants qui se sont rendus sur place. Le centre ville a été totalement éradiqué de la carte ! ».

    Max et Alexandre eurent le même reflexe.

    Ils pillèrent et immobilisèrent leurs véhicules.

    « La faille sismique s’est ouverte et a engloutie tout le centre ville sur une surface de près de trente kilomètres carrés ! La capitale ressemble désormais à un trou béant ! Les spécialistes ne s’expliquent pas qu’aucune secousse n’ait été ressentie alentour ! La ville semble s’être enfoncée d’un coup dans les entrailles de la terre ! ».

    Alexandre s’effondra en pensant à l’amour de sa vie qui n’était plus.

    Max s’effondra en pensant à tous ses hommes, ses équipes qui avaient péris dans cette monstruosité.

    Ils redémarrèrent leurs véhicules et firent demi-tour pour regagner la ville ou plutôt ce qu’il en restait.

    Dès qu’ils s’en rapprochèrent, ils furent détournés.

    Des barrages avaient été mis en place.

    Les forces de polices essayaient tant bien que mal de contenir les flots d’inquiets et de curieux qui affluaient de partout pour voir les restes encore fumant de poussières volantes.

    Il y avait des barrières tout autour du trou béant dont on ne pouvait pas voir le fond.

    La panique, la tristesse se lisait sur tous les visages.

    Les gens se bousculaient pour pouvoir constater par eux-mêmes l’impossible vérité.

    Alexandre réussi à se frayer un chemin jusqu’au bord du gouffre.

    Constatant avec effarement qu’il n’y avait plus aucun doute possible, que l’amour de sa vie avait été emporté dans les profondeurs du sol, Alexandre se ratatina, tombant  genoux au sol et les mains sur le visage s’effondra en sanglots.

    Sentant une main se poser sur son épaule, il se retourna.

    Max le regardait les yeux perlant et l’air aussi désemparé que lui.

    Alexandre se releva grâce à la main que Max lui tendait.

    Ils se prirent dans les bras l’un de l’autre et se mirent à pleurer chacun sur l’épaule de l’autre.

    « J’aurais préféré que l’on se retrouve dans d’autres circonstances ! ».


  • Comment se pouvait-il que les circonstances soient aussi cruelles alors qu’ils s'étaient fait l’un et l’autre, une joie de se retrouver en ce jour et que face à eux, un trou béant et fumant, ait absorbé le sens même de leurs vies respectives, leurs amours et amis ?

    A cet instant précis, ils ne se souciaient pas du nombre de morts et encore moins des circonstances ayant conduit à ce vide, au sens propre comme au sens figuré qui allait anéantir leurs existences.

    Ils mesuraient l’un et l’autre, la peine qui n’allait pas manquer d’affecter leur vie pour des années sans doute et sans encore le savoir, ils allaient l’un et l’autre vivre quelque chose de fort qu’ils présentaient déjà, tant le fait de se retrouver l’un et l’autre ici et maintenant, et probablement seuls au monde allait par la suite avoir une signification différente.

    Toutes les personnes autour d’eux écoutaient la description parfois fantasmagorique des journalistes qui ne parvenaient plus même à maitriser leurs émotions.

    Code catastrophe de la LLOYD’S : 12A.

    Les financiers n’avaient pas perdus de temps à qualifier dans leur langage ce néant.

    12A mais pour combien de vies englouties dans ce trou que dire, dans ce gouffre sans fond, mais encore très bruyant.  

    On ne parlait encore que d’un séisme.

    Les premiers analystes affirmaient sans doute sans trop savoir.

    On évoquait la libération brusque d'énergie accumulée par les contraintes exercées sur les roches du sous sol.

    Il était question d’un foyer qui au lieu de se traduire par la création d’une faille, s’était manifesté au contraire par la formation d’un gouffre béant dont la forme était malgré tout assez proche d’un cratère.

    Mais personne n’était sur de rien !

    Max et Alexandre n’en n’avaient que faire. Ils s’étaient vus arrêter dans leur élan par cet abysse.

    La nature du phénomène était  comme le résultat d’une force maléfique dont la force inconcevable, avait arraché à la terre, une ville et tous ses habitants, comme Adam avait en croquant la pomme, libéré tous les pêchers du monde en devenir.

    Eux ne pouvaient apercevoir que des morceaux de terrains, encore en suspension.

    Des  chutes de blocs qui allaient s’empiler sur les amas constitués par des pants entiers d’immeubles écroulés, d’usines et de centres commerciaux, en train de s’enliser dans les coulées de boues entrainant les bus d’un entrepôt et les écoles fumantes.

    Ils n’avaient pas de peine à imaginer les cris qui devaient s’en échapper.

    Mais leurs oreilles étaient sourdes à tout ce fracas.

    Car ils étaient en attente d’une voix qu’ils espéraient tous deux, pouvoir entendre comme une sirène qui aurait dit : l’alerte est finie ! 

    Leurs yeux exorbités ne cherchaient au milieu de ce fatras, qu’un regard, que le signe d’une main, qu’ils commençaient l’un et l’autre à comprendre, être un rêve impossible.

    Un rêve non ! Un cauchemar voilà ce dont étaient l’un et l’autre les spectateurs.

    « Il faudrait essayer de descendre ! » Cria une femme.

    « Peut-être peut-on remonter des survivants. Regardez, On en voit encore qui bougent au milieu des gravas. »

    « Peut-être pourrions nous même aller chercher des hélicoptères et sauver des enfants, nous ne pouvons pas rester là sans rien faire… »

    On reste parfois sans voix quand on regarde des sauveteurs essayer de réanimer un conducteur de vélomoteur déchiqueté par la barrière de sécurité sur un boulevard circulaire.

    Mais là, ces cris déchiraient un silence qui voulait dire on ne pourra rien faire !

    « Tu vois dit Alexandre à Max en tournant sa petite cuillère dans son ramequin de mousse au chocolat, maintenant que je remange normalement depuis mon opération et qu’on m’a enlevé mon anneau gastrique, c’est un peu comme cela que je vois ma vie dès que je craque pour un dessert trop calorique… ».


  • « Ecoutes Alex ! Ca fait aujourd’hui 35 ans que c’est arrivé ! Et comme chaque année, on vient faire notre pèlerinage ! On a refait nos vies ! On est reparti de rien ! On ne s’en est pas mal sorti, même si ça a été difficile ! Alors, tes états d’âmes stomacaux annuels chaque fois que tu prends une mousse au chocolat juste parce que tu fais un trou au centre … »

    « Oui ! Tu te souviens lorsque l’on s’est retrouvé. On a passé la journée au bord du gouffre. Et ce n’est que le lendemain matin qu’on a réussi à bouger de là ! »

    Comme chaque année Alexandre reparti dans la narration de cette première journée de « l’après ».

    Cette journée où Max se rendit compte qu’il n’avait plus rien.

    Cette journée où avec Alexandre, ils décidèrent  d’utiliser le peu d’argent liquide qu’ils avaient sur eux pour louer une chambre dans un motel sordide.

    Cette journée où épuisés d’avoir passés près de 24 heures, abasourdis, assis au bord du gouffre, ne réalisant pas complètement que pour eux, c’était le premier jour d’une nouvelle vie, ils s’endormirent ensemble sur le lit de cette chambre au papier peint démodé.

    Comme chaque année depuis 35 ans, ce jour anniversaire était celui où Alexandre retournait dans le passé et où il était incapable de vivre le présent.

    Le seul jour de l’année où il n’était plus lui-même, mais une sorte de zombie.

    Comme chaque année depuis 35 ans, Max et Alexandre, avaient parcourus plusieurs kilomètres à pied, le long du muret qui avait été construit autour du cratère toujours à ciel ouvert et sur lequel avaient été gravés les noms de tous les disparus dans la catastrophe, avant de se recueillir en regardant le cratère qui semblait chaque année un peu plus profond.

    Comme chaque année Max avait écouté Alexandre se replonger dans ce passé révolu, mais qui redevenait son présent à chaque date anniversaire de la catastrophe.

    Chaque année Alexandre replongait seul et parlait de cette journée qui avait marqué le début de leur nouvelle vie.

    Ce bouleversement national avait totalement remanié leurs vies aussi.

    Cette journée où la vie les avait réunis et après laquelle, ils ne s’étaient plus quittés.






    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires